Paroles de Rislois : Alain Pailhe
« Domicilié à Brionne depuis 1962, avec mes parents, où mon papa avait acheté la quincaillerie, qui était à l’époque la quincaillerie Lunelle, et qui est devenu une société qui s’est appelée la Quincaillerie de la Risle.
Donc j’ai toujours été riverain de la rivière Risle, ou d’un affluent. En 1984 j’ai acheté ma maison, où là je suis devenu riverain du ruisseau des Fontaines qui, par un pur effet du hasard, termine son cours derrière ma boutique. Ce qui fait que j’ai toujours, depuis l’âge de 19 ans, les pieds dans l’eau ! Et c’est ce qui a motivé, un petit peu, ma vie.
Au Conseil Municipal, je me suis surtout investi au niveau de la sauvegarde de la Risle, avec des petites prises de bec au sujet de l’effacement des vannages, qui pour moi est une aberration. On n’a pas 450 ans depuis les cartes de Cassini. On vit avec la rivière. On ne domine pas la rivière. On vit avec. Et les acteurs de tout ce système ont fait qu’on vivait en harmonie avec la rivière. Aujourd’hui le fait d’abaisser les niveaux fait qu’on est en train de détruire les fondations de tous les bâtiments qui étaient en bordure de Risle. Il semblerait que des gens commencent à réagir un petit peu. Ça c’est pour l’aspect général de ma rivière.
Moi, dans mon coin ici, je suis beaucoup plus attentif à l’aspect zone humide, parce que je vis en pleine zone humide. Avec ses agréments et ses désagréments. Beaucoup de travail. De petites satisfactions mais qui sont en réalité énormes : le fait de voir des crapauds descendre régulièrement, les protéger, faire le clown à 10 h du soir, avec une lampe de poche et un seau…
On doit me prendre vraiment pour un fada, parce que je ramasse mes crapauds. Comme on ramasse des champignons. Ou des œufs, à Pâques ! Pour pas qu’ils se fassent écraser, tout simplement ! Parce qu’ils ne sont pas rapides à traverser ! En plus les mâles sont un peu fainéants, souvent ils sont sur le dos de la femelle. Et les femelles vont pondre dans la rivière, sur ce petit ruisseau des Fontaines. Il y a dix/quinze ans, une dizaine, une cinquantaine de crapauds se faisait écraser toutes les nuits pendant les migrations. Aujourd’hui il n’y en a que cinq ou six, car il y en a beaucoup moins. À force de se faire écraser, ils ne peuvent pas se reproduire. Je suppose. Ou la pollution, peut-être. Je ne sais pas. Le fait est que je me bagarre pour préserver mes crapauds. Et ce qui m’a fait énormément plaisir cette année, c’est qu’au niveau de la ville de Brionne, des représentants de la ville se sont déplacés et vont essayer de bouger dans ce sens-là.
Et mon désagrément c’est quand je tonds, je suis obligé de m’arrêter tous les dix mètres, pour permettre à un crapaud – un petit crapaud qui fait la taille de mon ongle – de sortir de l’herbe. S’il n’est pas assez rapide je descends de ma tondeuse, je prends mon petit crapaud et je le mets dans un endroit où je ne l’écraserai pas. Et mon bonheur c’est que mes enfants font pareil quand ils me donnent un coup de main à la tonte.
Dans l’herbage à côté, vous vous baladez et Pouf ! vous avez un crapaud qui saute à la rivière. Ça fait partie des petits bonheurs. Il y a quelques oiseaux aussi, moins sympathiques, genre héron, aigrette et compagnie, qui, je suppose, se chargent de leur…limitation. Mais c’est la nature, on ne peut pas faire contre. »